SCèNE n°18764530921N34762891027446392
Agitation dans l'air.
Antipartie a les cheveux gras séparés par paquets comme dans un dessin animé japonais et est maquillée outrageusement ; elle est vulgaire. L'espace autour d'elle est constitué de molleton coloré. C'est une grande pièce sans fenêtres, avec un énorme écran sur un des murs. Une course de voitures est à l'écran, mais le son des voitures a été coupé et remplacé par un opéra en direct de grommellements et de gémissements.
Une cinquantaine d'invités s'active dans cet espace d'environ vingt mètres carrés. Chacun d'entre eux a un nom inscrit sur une petite étiquette collée directement sur le front. Aucun des noms ne correspond à une identité véritable et c'est le principal. Les invités se maquillent à l'aide de vieux pots de peinture ; ils plongent leurs bras au fond, retirent de grosses quantités de l'épais liquide chatoyant et se l'appliquent avec attention sur le visage, en prenant soin de ne pas masquer l'étiquette qui couvre leur identité véritable.
Il y a une grande casserole au milieu de la pièce -juste entre les deux actes, une pièce très colorée. Une odeur de cheveux brûlés remonte de la marmite, ainsi que War Pigs de Black Sabbath. Il y a une ambiance un peu candide et un peu orgiaque à la fois.
C'est Papa qui est dans la casserole, et il secoue la tête à la manière d'un rockeur en pleine furie. Je crois qu'il apprécie d'être le prochain à être mangé, l'invité de marque, et même qu'il se sent un peu flatté. Alors il danse, et on voit ses bourrelets qui dégoulinent de la marmite. Sur sa tête, une étiquette et sur l'étiquette : "Les cochons donnent naissance à de la confiture".
[Plan fixe sur Antipartie. Puis la caméra fait un travelling vers Papa, qui est au centre de la pièce. Le travelling est rapide, si bien que les couleurs des visages des invités et celles de la pièce se mélangent. La caméra s'arrête brutalement sur Papa, qui est au centre de la pièce et dont les bourrelets débordent de la marmite].
SCèNE n°44
Maman est vêtue de somptueuses étoffes de soie et de velours bon marché. Sa jupe est trop courte et le cuir du canapé la fait frissonner. Dehors, il n'y a plus de saisons ; un mélange de neige et de soleil. Le monde n'a jamais été aussi déréglé. Il est trois heures de l'après-midi, l'heure creuse, celle de l'ennui, de l'effroyable face à face avec soi, l'heure qui nous dit : chaque minute de moi-même est un long dimanche de novembre. Maman se lime les ongles avec désintérêt ; le temps est long. Le téléphone sonne. Le téléphone sonne. Le téléphone sonne. Le téléphone sonne : pas de réponse au bout de fil ; on entend seulement une petite mélodie au loin, comme une cocotte minute sur le point d'exploser.
[La caméra fait un zoom sur les lèvres de Maman, près du micro du téléphone, et entre dans le micro du téléphone, devient miniature, se recroqueville. Ecran noir qui signifie : nous sommes à l'intérieur du téléphone, entre les connectiques, à l'intérieur de la voix de Maman et enfin à l'intérieur de toute chose composant le gigantesque réseau humain. Ecran de lumière chaotique, on ne discerne rien qui puisse être interprété].